LE GESTE MUSICAL

L'ASPECT SENSORIEL DANS L'APPRENTISSAGE MUSICAL

Trois des cinq sens sont opérationnels dans le jeu musical:

- l'ouïe
- la vue
- le toucher
Dans la mise en jeu de chacun de ces sens, trois étapes mentales se déroulent: l'attention, l'évocation mentale puis le processus de mémorisation.

L'ouïe et la vue:

Dans notre méthode d'apprentissage - Suzuki, Musmat -, l'ouïe est d'abord sollicitée, par l'écoute du CD de référence (en parallèle avec l'acquisition du langage).
Pour que le « projet d'attention » soit possible, il doit y avoir de bonnes conditions d'écoute: environnement calme, moment où l'enfant est « réceptif » ...                                                         La représentation mentale des sons entendus va être ensuite auditive, visuelle ou kinesthésique suivant les personnes. Cette étape va permettre de « fixer » les bonnes références grâce au geste mental de mémorisation, bien avant de  reproduire les morceaux par le geste musical (piano ou chant).

Dans une méthode traditionnelle basée sur le déchiffrage, la vue est d'abord sollicitée, avec la lecture de la partition. Pour un lecteur débutant, la représentation mentale de la page musicale qu'il faut traduire instantanément en sons est très aléatoire, tant que les bons « réflexes » de lecture musicale ne sont pas acquis.
C'est comme si l'on demandait à un élève débutant en langue étrangère d'être traducteur simultané du texte qu'il découvre, avec l'intonation, les accents toniques, les intentions ... cet apprentissage est effectivement difficile et très décourageant pour la plupart, qualifiés alors de « peu doués »!
Dans notre méthode d'apprentissage, la vue est le sens le moins sollicité, au début tout au moins, puisque l'enfant joue sans partition. C'est important néanmoins qu'il regarde ce qu'il fait, afin de contrôler son geste, d'évoquer et de mémoriser la position qui permettra le rendu du son optimum.                                      
Il est très intéressant de voir que certains enfants ont absolument besoin au départ de visualiser le clavier, que cela soit pour chanter ou pour jouer, alors que d'autres adorent fermer les yeux ou regarder ailleurs en jouant.
L'observation du geste du professeur est aussi une référence, afin que l'apprenti musicien puisse imiter,, avant de répéter et d' intégrer, et la visualisation de DVD de pianistes où l'on observe de près les gestes de l'interprète lui en fait comprendre l'importance par l'image.
La perception visuelle ne doit pas « empiéter » sur l'écoute du son produit, mais elle est importante pour fixer l'attention et évoquer puis mémoriser le bon geste musical.

 LE GESTE MUSICAL

Lorsque le musicien  joue sur son instrument, il va mettre en action le sens du toucher, et il est très important de sentir ce contact et d'analyser dès le plus jeune âge la conséquence du geste musical sur le son produit: on « tape » sur la touche, le son est dur, on « attrape » la note, le son devient « élastique »... L'ouïe est à nouveau immédiatement sollicitée, ou devrait l’être !
 Dans la mesure où l'enfant sait ce qu'il doit reproduire grâce à l'écoute primitive, il va pouvoir se consacrer à ce geste musical, l'évoquer et le mémoriser, pour « stocker » toute une panoplie de mouvements précis.          
S'il joue beaucoup et n'écoute pas suffisamment le référent, il risque petit à petit de mémoriser des erreurs en transformant le texte originel et en le remplaçant par sa propre version (cas fréquent avec des enfants qui jouent avec un tempo trop lent par exemple, perdant ainsi le sens du phrasé et de l'intonation), d'où l'importance d'une écoute quotidienne.
Il faut faire attention que l'enfant soit en situation de pouvoir contrôler son geste. Il doit pour cela être totalement en équilibre corporel, comme un sportif.
Une assise à la bonne hauteur et les pieds posés sont la base pour équilibrer les quatre forces latérales et verticales:

                            I        masse
                ---                 ---       bras     
                            I        assise -pieds      

Les deux bras sont « enracinés » en un même point du dos, et ne sont que de simples transmetteurs d'énergie venue du dos. Si on disperse cette énergie, il y a des risques de tensions.
« La main regroupe l'ensemble des terminaisons digitales qui sont le siège effectif de la production musicale, c'est le lieu actif et dynamique où l'énergie est stockée avant d'être libérée et dosée à volonté dans le jeu » (*) 
« Le geste juste doit:  répondre à l'intention musicale     /     libérer un fonctionnement naturel    / réaliser une économie de moyens »  (*)
Libéré de ces contraintes d'apprentissages premiers, bien équilibré corporellement, le musicien va pouvoir expérimenter différents gestes et leurs conséquences sonores, ressentir au maximum les vibrations du son dans son corps, traduire ses « émotions musicales », véritablement jouer avec son instrument.
L'instrumentiste « doit combiner tout à la fois  l'équilibre corporel du danseur, la vigilance et la compétence de l'artisan, la précision du geste du peintre, la rigueur de l'architecte, la mémoire et la présence du comédien, et la vision intérieure du poète"(*)... 

 (*) Extraits du livre « Le violon intérieur » de Dominique  Hoppenot, éditions Van de Velde


Brigitte Pras – décembre 2007



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Trois sens en action


L'ouïe, la vue, le toucher 


Trois étapes mentales


L'attention, l'évocation mentale, la mémorisation


Combiner


L'équilibre corporel du danseur, la vigilance et la compétence de l'artisan, la précision du geste du peintre, la rigueur de l'architecte, la mémoire et la présence du comédien, et la vision intérieure du poète"(*)... 
  
Extrait du livre
« Le violon intérieur » de Dominique  Hoppenot, éditions Van de Velde