Avec la méthode que j’enseigne, la technique pianistique se travaille dans les morceaux du répertoire. Ceci présente un double avantage :
1 – Les élèves connaissent très bien les morceaux auditivement, par l’écoute quotidienne de l’enregistrement, ils n’ont donc pas à chercher les notes et le rythme du passage qu’ils travaillent, et peuvent se consacrer exclusivement aux mouvements à exécuter pour produire un beau son.
2 - Ils ont envie de bien jouer leur morceau et comprennent l’importance de ce travail technique qui va donner très rapidement le résultat attendu. Il est beaucoup plus motivant de répéter un passage pour l’exécuter aussi bien que le reste du morceau, plutôt que de répéter des exercices fastidieux dont on ne voit pas l’intérêt Vous comprenez donc l’importance de bien répéter, quotidiennement et autant de fois qu’on l’a fait en cours, le passage sélectionné par le professeur. Il deviendra un « acquis technique »!
La progression technique est très bien étudiée dans les premiers volumes, et avec les différents « points » abordés à chaque morceau, on construit une technique pianistique très solide, qui permet d’aborder la pièce suivante. Il est important pour cela de ne pas sauter d’étapes, et de respecter scrupuleusement les consignes : cela ne doit jamais paraître « difficile » à l’enfant.
Au deuxième volume, on commence le déchiffrage, mais le niveau technique des morceaux à jouer est nettement plus facile que celui des morceaux étudiés, ceci afin de ne pas multiplier les difficultés.
Dans les troisième et quatrième volumes, les élèves déchiffrent des petites études dans lesquelles ils retrouvent des points techniques déjà abordés, ceci pour créer des « réflexes » entre la lecture et la technique.
A partir du cinquième volume, on élargit beaucoup le répertoire avec la musique romantique et moderne ou contemporaine, grâce au développement du déchiffrage. J’introduis à ce moment – là des études de « technique pure », très courtes, afin de faciliter l’étude de ces nouveaux morceaux, divers et longs, et d’aborder de plus en plus de nouvelles techniques que l’on peut rencontrer. Parallèlement, on continue le même travail technique dans les morceaux du répertoire, d’où l’importance de « faciliter » grandement la tâche -80 % de temps de gagné- en continuant à écouter les enregistrements. Cette écoute ne sera plus nécessaire, si ce n’est pour comparer différentes interprétations, lorsque les « réflexes » entre lecture et technique seront complètement acquis.
Le travail des fameuses variations développe une indépendance des doigts incroyable dès le plus jeune âge, en associant le travail du poids sur chaque note, chose que l’on n’aborde en méthode traditionnelle que dans des niveaux beaucoup plus avancés. Il faut toujours revenir à ces bases, que ce soit par l’intermédiaire des gammes (à partir du 2ème volume) ou d’un passage compliqué (position, doigté), pour ne jamais créer de tension et se soucier toujours de la production du son, base de la musique.
Les révisions sont très importantes également, car le fait de revenir sur les points techniques permet de développer l’aisance du jeu et facilite l’acquisition des morceaux plus complexes.
Le temps de travail quotidien à la maison doit être égal au moins à celui du cours, exception faite pour les très jeunes débutants, dont le temps de concentration peut être très court avec vous : privilégiez, si vous le pouvez, deux périodes de 10 minutes dans la journée : le passage à répéter au moment où l’enfant est le plus attentif ( le matin avant l’école , par exemple), et les révisions à un autre moment. Pendant le cours, je passe un certain temps à trouver avec l’enfant le(s) point(s) à corriger, en lui faisant comparer diverses versions, par l’écoute notamment. Ensuite, on rejoue le passage jusqu’à ce qu’il le réalise avec facilité. A partir de ce moment – là, on décide du nombre de fois qu’il faudra le répéter chaque jour à la maison : ce temps de recherche, que vous n’avez plus à faire, doit être consacré aux révisions, que je fait travailler aux cours de groupes. Insistez auprès de votre enfant pour qu’il revoit les mains séparées, afin qu’il puisse « jouer » avec ses copains. Le moment des révisions sera plus facile et plus ludique si votre enfant en écoute quotidiennement l’enregistrement, et s’il les joue régulièrement. Pensez que le premier volume peut être joué dans son intégralité en moins d’un quart d’heure ! Programmez régulièrement des petits concerts familiaux, petits et grands seront fiers de vous montrer leurs progrès, même et surtout si vous ne les suivez plus : à 20 ans (et plus !), on aime toujours que papa et maman prennent le temps de s’asseoir dans un fauteuil pour …écouter ! Pourquoi pas un apéritif ou café – concert le dimanche ?
Attention aux adolescents, qui confondent souvent comprendre et acquérir : rappelez – leur l’aspect « sportif » du musicien, qui ne peut pas atteindre le résultat attendu sans entraîner ses doigts suffisamment, même si le point à travailler est bien compris. La musique est ainsi une excellente leçon d’humilité pour les gens brillants, et permet un bon développement du sens de l’effort, dans la mesure où il est récompensé. Essayez de voir en début d’année scolaire, avec votre collégien ou lycéen, à quel moment il peut « caser » le piano dans sa journée, en fonction de ses activités et de son travail scolaire : petit à petit le moment musique devient pour eux une vraie détente, un moyen d’expression et de « défoulement », et l’aspect technique un simple défi à relever pour parvenir au but souhaité. Maintenez – les dans le bain avec les cassettes, en écoutant des CD avec eux, en regardant des émissions musicales, en les emmenant au concert, et en leur montrant que vous vous intéressez à leur vie musicale par vos encouragements, et vos critiques, et en assistant de bon cœur aux auditions et aux réunions qui les concernent !
Environnement, technique et pédagogie sont étroitement liés de 3 à ………………. Ans ?
Brigitte Pras - juin 2004